vendredi 23 février 2007

Ar(t)guments tunisiens

A l'arrivée en Tunisie, la transition était un peu brutale, il y avait bien ce douanier nonchalant qui nous a donné un bout de son sandwich, quand même, on y avait pris goût à la spontanéité, la méfiance bienveillante et la générosité des algériens. C'est sûr, en allant dans les endroits à touristes on retient les désagréments du tourisme. Et il y a aussi cette (h)ombre, comme on a pas le droit d'en parler, on le voit partout, tantôt il nous salue, tantôt sourit, la main sur le coeur. Il (sur)veille...
Ca me me fait penser à un autre gars, que se llamaba Picasso, e que decia : "el arte es una mentira que nos acerca de la verdad" (pour m'arranger, je traduirais "l'art est un simulacre qui nous montre la vérité"). Et justement, au ciné-club de Tunis, il y avait dernièrement des films sur la guerre d'Espagne. "Mourir à Madrid" de Frédéric Rossif par exemple, non seulement c'est un bon documentaire fait d'images d'archives, mais en plus le débat qui suivait était bien pertinent; la diffusion, qui ne peut pas se faire avec des "supports légaux", est aussi une forme de militantisme. Pour avoir une idée de l'engagement de l'asso., ils organisent chaque année le "cinéma de la Paix" qui se veut "consécration du film non commercial, et réhabilitation du cinéma d'auteur, du cinéma qui défend «l'homme» dans un monde régi par la course effrénée pour le profit" et invitent des personnages comme Leila Shahid...
Une deuxième soirée qui a ravivé ma quête de résistances, c'est avec Khamsoun. Cette pièce a été jouée Paris mais censurée ici avec une centaine de points litigieux! Elle traite en particulier de l'escalade sécuritaire pour prévenir le terrorisme islamiste. Jalila Baccar et Fadhel Jaïbi, les auteurs et metteurs en scène, ont enfin réussi à présenter leur pièce. Entre autre le public applaudit quand ils critiquent le nombre de policiers postés à quelques dizaines de mètres devant le ministère de l'intérieur ou quand le voile est jeté à terre... Et apparement les dates s'enchainent.
En fait depuis assez longtemps, surtout dans le cinéma et plus récemment la musique (avec le rap), l'artiste tunisien revendique. D'ailleurs une prochaine fois, je vous parlerai de la fac des beaux arts qui est en ce moment en grève...

jeudi 22 février 2007

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Ce silence depuis l'arrivée à Tunis ne s'explique pas seulement par le manque d'intérêt de la ville. La décision s'est imposée: nous nous séparons pour la suite. Philippe essayera de poursuivre sa route (et le blog), Guillaume retourne en France après quelques réparations mécaniques, Christophe vient de prendre son avion pour la France.
En espérant que les prochains mois saurons faire oublier cette décision attristante.
Inch Allah !
Philippe et Guillaume
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Atene kawa !

Grombalia, le 22.02.2006


Salut à tous,

Quoi de plus simple que commander un café ? Et pourtant...
Bon, en France, tu demandes "un café", ou un "kawa" pour faire plus cool (en fait un mot arabe). En Angleterre, un "café" c'est le même kawa avec en plus 20cL d'eau chaude, en général très cher et servi dans un gobelet en plastique. "Expresso" était le mot clef. Tu peux essayer "Expresso" en Espagne, mais "café solo" c'est ta meilleure chance, et en Algérie ça devient "café presse". "Atene kawa" c'est encore mieux, mais en Tunisie ça marche pas à tous les coups (quelques fois j'ai récupéré un machiato, du reste plutôt bon). Si tu demandes "café au lait", ils font parfois mousser le lait au point que tu crois avoir un cappucino (qui se dit ici "capucin"...) En Angleterre, le même brevage serait sûrement un "Special blend Deluxe Cappucino", mais ici la mode des euphémismes marketing n'est pas encore arrivée.
Clairement, il faudra passer par l'Italie pour éclaircir tout ça, ou peut-être devrais-je tout simplement boire de la bière ?

Il y a beaucoup d'autres choses plus intéressantes à dire sur la Tunisie, Christophe a prévu un petit texte à ce sujet. Le meilleur résumé (à mon goût) est peut-être "aboule la thune".
Nous avons eu du mal à rencontrer des gens intègres, mais aussi c'était un peu le propre de Tunis et des endroits touristiques. Dans le bled où je fais repeindre le van, ils voient passer moins de français et sont beaucoup plus chaleureux. La routine est elle le poison du sourire ?
Un sourire que nous n'oublierons pas, c'est celui de Bennali, le dictateur local. Sa photo est partout (chaque pièce, chaque attelier, chaque bar ...), souvent prise du bas (vieille ruse de dictateur ?) Il y a beaucoup d'indices dans la vie de tous les jours. Par exemple, tous les connexions internet sont filtrées: il est impossible de consulter un site dissident, même si il est en ".com"
Un homme qui ne riait pas, c'est Mourad, en nous voyant il a accouru pour discuter. Comme beaucoup de Tunisiens cultivés, il voit la Tunisie comme une prison dont on ne peut sortir, et pense que la manne touristique ne profite qu'à une minorité.

Bon week-end à tous !

Guillaume.



dernière nuit en commun dans le fourgon; 15s de pause et dans le ciel l'épée d'orion (en haut à gauche), comme pointant une direction bien mysterieuse - où serons-nous chacun ces prochains mois ?

lundi 12 février 2007

Nassima jeune femme des montagnes

Bejaia, charmante ville Kabyle en bord de mer, possède une particularité intra muros unique en Algérie ; à savoir des cités universitaires mixtes. Ce fut pour nous l’occasion de créer des liens « particuliers » avec des étudiantes algériennes.
Lors d’un spectacle pendant lequel quelques musiciens égrainaient sur leurs luths les mélodies de Lounes Mathoub. Combattant emblématique et martyre de la région. J’ai rencontré Nassima, étudiante en droit, surprenante par son intégrité, son courage et son charme.
Nassima est hijabiste, l’on dirait chez nous « qu’elle porte le voile ». Ce choix est une volonté personnelle, malgré sa foi elle ne se soumet pas à la loi coranique. Elle porte le Hijab par respect à la tradition des femmes de son village. Je rajouterais que ce foulard laisse suggérer toute une beauté cachée que l’on aimerait dévoiler.
Durant nos discutions, j’ai appris beaucoup sur le mode de vie de la femme algérienne. Nassima rêve de liberté, ce mot reprend son sens véritable lorsqu’elle le prononce. En cela, il faut comprendre, réussir ses études puis trouver un travail afin de mener une vie simple. Malheureusement, l’Algérie n’a pas de travail pour tous ses enfants. Le chômage serait pour Nassima comme beaucoup d’autres jeunes femmes du pays, l’obligation de regagner le foyer familial, pour y retrouver dans son cas les travaux domestiques et agricoles. Difficile à accepter ce sort pour une jeune femme qui a passé plusieurs années à l’université pour y étudier le droit tout en ayant appréciée les possibilités qu’offre une grande ville.
Si la cité mixte est un pas en avant, vers une ouverture d’esprit dans un pays ou le livre saint est porteur des idées morales. Paradoxalement, pour une jeune femme cette mixité peut devenir un poids voir un fardeau. Sortir en publique en présence d’un homme demande un effort que l’on aurait de la peine à concevoir, tant le regard de l’autre est insupportable pour une femme non mariée. Pour cette raison, les jeunes couples se retrouvent dans les allées obscures de la cité universitaire. Seul lieu, ou la discrétion n’en est pas une, car la sécurité arpente ces ruelles, dans le cas ou ces flirts abuseraient de leur nouvelle liberté.
Le dernier soir, proposant à Nassima de boire un verre dans le van. Un jeune homme à nos cotés s’interpose à cette proposition, m’expliquant qu’une femme ne peut sortir en présence d’un inconnu. Navrés, nous nous séparons ne pouvant nous dire adieu comme nous l’aurions souhaités. Par un petit signe de la main, nous achevons cette relation tendre et amicale. Nassima, comme toutes les autres filles de la cité devra regagner sa chambre avant minuit, réduit qu’elle partage avec quatre autres filles. Heure à laquelle, les gardiens (soucieux de la sécurité de ces jeunes femmes), passeront pour enchaîner leurs portes d’entrées.
Christophe

samedi 10 février 2007

L'appel de la bougie (*)

Tunis, 10.02.2007

Le Djurdjura, ça a peut-être tilté aux oreilles de nos amis spéléos : avec le goufre Iflis (Léopard) à -1159m (et le fond n'est pas atteint), le goufre Assouil (-980m). Ce "sous-terrain" de jeu a eu son heure de gloire. Curieusement il n'y a ni fédération, ni formation officielle. Et dans le seul club du pays, l'initiation se fait des plus anciens aux plus jeunes, mais le plus ancien c'est souvent le matériel!
En arrivant à Bejaia, nos modestes yeux de grimpeurs se sont arrétés sur une belle paroi scultée d'une soixantaine de mètres qui nous a donné envie de sortir cordes et chaussons. Cette face est justement à coté d'une autre équipée par les spéléos...
Hadjim, l'incontournable, ayant fait les présentations, rendez-vous est pris pour le lendemain.
Là, pendant qu'un groupe installe une école de remontée et les sardines grillées, Hacene, Réda et Hamid nous guident et aident à spiter des relais. L'habileté de Réda dans cet exercice mettent en confiance, mais la confiance les lache un peu quand on engage le rappel avec nos cordes "dynamiques" d'escalade. Avec l'élasticité, c'est un peu redécouvrir la descente et je pense qu'ils apprécient un peu plus les anciennes cordes statiques...
Finalement la ligne repérée n'a pas pu être équipé et le caillou demandait une bonne purge, mais le plus important c'est la générosité et l'ambiance du groupe. alors je vous dis :
Amis spéléos, si ce beau pays vous tente, ou que vous pouvez aider à leur équipement, il n'y a qu'un contact :
http://clubspeleobejaia.webobo.com/
et vous pourrez descendre sereins! (en plus il y a de très bons photographes et ça fait vraiment plaisir...)

(*) Bougie c'est le nom français de Béjaia, encore très utilisé

Guillaume, Christophe et Philippe
Christophe domptant quelques singes sauvages...

Tirage au sort!


Tunis, 10.02.2007

Tizi, avec sa cité étudiante est un peu plus active culturellement. Mais suivre une pièce comique en arabe, même avec de très bons comédiens, c'est pas très marrant! Et il y a des rencontres qui ressemblent à des tragi-comédies. Petit retour en arrière : à Tipassa, Mohamed le facteur nous recommande son ami Mohamed le guide. Mohamed nous a alors présenté Saïd le dentiste, qui nous a alors introduit dans la cité par le biais de son frêre. Et c'est là qu'on rencontre Nourredine... c'est peut-être ça aussi le mektoub, un mélange d'improbable et d'évidence?
Nourredine a réussit, dans la même soirée, à nous présenter son livret de famille, demander à ce qu'on l'inscrive sur un site de rencontres [je censure les détails] et nous démontrer comment remplir son répertoire téléphonique malgré la "retenue institutionalisée" du pays :
"- il faudra que tu nous présentes tes amies, Nourredine...
- bien sûr! donnes-moi un nombre. Il commence à taper sur son portable
- ... euh 81?
- toi, donnes-moi aussi un nombre
- 26 ??
- et toi aussi...
- 01 ????
Tonalité, ça répond, et après 2 minutes d'arabe, il nous passe le téléphone[je censure la suite]"
C'est ça, le "tirage au sort" : il suffit de composer un numéro de téléphone au hasard avec l'indicatif de la région que tu veux. Comme les gens sont plutôt ouverts, la discussion s'engage facilement et plus si affinités... Quand on le comprend, l'éclat de rire est un peu jaune, mais l'enthousiasme du bonhomme efface le coté pathétique de cette pratique.

Guillaume, Christophe et Philippe

Farouk

Tunis, 10.02.2007

Notre route continue, laissant derrière nous, l’immensité et le calme des montagnes. Depuis notre départ nous avançons à saut de puce de contact en contact, ceux-ci créant un lien avec de nouvelles villes.

C’est à Tizi-Ouzou Capital de la Kabylie (grande) que nous tirons le frein à main dAlbert notre vieux van. Saïd notre dernier contact nous a proposé de nous garer au pied de son immeuble. En tant qu’éducateur, il m’a été donné de découvrir par le passé quelques cités françaises bien délabrées ou le désordre et le chaos sont présents à chaque coin de barres. C’est la vision que nous découvrirons le lendemain matin. Le soir de notre arrivée, une poignée de jeunes sortent des halls d’immeubles pour se rassembler autour de notre véhicule. Cette démarche n’est que curiosité non agressive. Saïd notre bienfaiteur est respecté dans le quartier. Rapidement le dialogue s’installe, celui-ci est agréable : « D’où venez vous ? Comment vous trouvez l’Algérie… ». Questions habituelles que nous entendons depuis notre séjour dans ce pays. Leur dialecte me fait pensé à celle que pratique la jeunesse de tous les quartiers pauvres déjà visités. Je vois sortir de l’obscurité un type de taille massive à demi cagoulé. Farouk, un homme de 33 ans qui m’adresse directement la parole. La communication passe bien nous avons un point commun, une certaine connaissance de la Suisse. Cependant à son expression et son regard qui en impose, je devine que cette personne a vécu des évènements peu singuliers dans le passé. Il nous apprendra qu’il a été terroriste, vivant dans le maquis durant 3 années, perdant beaucoup d’amis. Difficile de lui poser des questions trop précises, le macabre ne m’intéresse pas et son passé de guerrier d’Allah m’impressionne fortement. Il nous explique, que pour lui tout cela est du passé, qu’il a bénéficié de la grâce présidentiel résultant du référendum sur l’amnistie des terroristes. Le lendemain nous reverrons Farouk, son discours sera moins agréable et pesant. Il tentera durant ¾ d’heure, de nous convaincre que l’islam est le seul salut pour tout individu souhaitant atteindre la vie éternelle. Je clos le dialogue (monologue) en tentant de lui expliquer que ma position d’agnostique ne peut me permettre de juger.

On peut s’interroger sur les bienfaits de cette amnistie. Combien de personnes comme Farouk rodent dans la nature sans suivi psychologique ? Est-ce qu’une vie aussi longue soit elle puisse t-elle permettre d’oublier les pires atrocités commises. Malgré la promesse d’une bonne place au paradis.

Philippe, Guillaume, Christophe.




Les réveils sur le front de mer (Béjaïa)


Nadjim (Béjaïa)


Le port de Stora

jeudi 8 février 2007

Opération séduction

El Kala, 08-02-2007

Ca y est, l'Algérie c'est presque fini, dans 10kms on est en Tunisie !
Philippe est à la douche, Christophe écoute du jazz cool, je me suis rasé, la couturière a rapiécé mon pantalon, on croise les doigts pour que les douaniers ne démontent pas tout le van...

Les 10 derniers jours ont été riches en rencontres; grace à Nadjim nous avons rencontré pas mal d'étudiants à Béjaia, un club spéléo etc. Nadjim c'était un phénomène: il nous aura bien fait rire en nous présentant tout plein d'algériennes, on aura rit aussi quand (on partant) on apprend qu'il a (dans la même cité U) sa soeur fantôme qu'on ne rencontrera jamais... Mais tout ça on le détaillera un peu plus tard, on file !

A+

Philippe, Christophe et Guillaume

Démographie et corruption

Si je devais définir le peu que je connais de l’Algérie, en quelques mots Je dirais que c’est un grand paradoxe. Manichéisme intransigeant d’une religion et désordre d’une société corrompue. Et pourtant l’algérien est un homme bon, généreux, son accueil est chaleureux. Une phrase nous revient sans cesse : « Soyez les bienvenus », nous qui provenons du pays qui a colonisé pendant 132 ans. A notre air parfois gêné lorsque le sujet est évoqué on nous répond : « Il faut savoir tourner la page ». Quelle leçon !
Mon premier constat fut d’un ordre démographique. L’Algérie est essentiellement peuplée de jeunes. A partir des années 70, les gouvernements successifs ont incité la population à faire des enfants. Ce discours démagogique avait pour motif de repeupler une terre saignée à blanc durant le conflit avec la France. Les chiffres de mortalité de cette période sont variables, mais peu d’études sérieuses ont été faites ou dévoilées. Certains parlent de 1 million et demi de morts d’autres d’un million. Résultat d’une population de 9 millions de personnes à l’indépendance en 1962, l’Algérie compte désormais 35 millions d’habitants. C’est de nos jours un réel problème. Cette démographie galopante est la cause d’un taux de chômage élevé chez les jeunes. Le chômage, dans des proportions élevées, se transforme en misère ouvrant les portes à la délinquance.
Dans l’histoire récente de l’Algérie, il y a ce que l’on nomme ici « la décennie noire ». Terme donné à la guerre civile qui s’est déroulée durant les années 90. Pour le reste du monde ce fut la montée de l’intégrisme dans le pays, seul responsable de 10 années de massacre dans les villes comme dans les villages isolés par les guerriers d’Allah. Pour la majorité des algériens cette guerre fratricide n’est qu’un des avatars d’une poignée de gens au pouvoir à savoir « les généraux » qui se partagent les richesses d’un pays refermant en son sol, pétrole, gaz,or, mercure…Evidemment cette richesse n’est pas redistribuer comme il se doit.
Christophe, Guillaume, Philippe.